Le déconfinement pointe le bout de son nez, et dès demain les Français pourront commencer à retrouver un semblant de vie normale… Mais les cafés, restaurants et la plupart des lieux publics vont encore rester fermés un bout de temps malheureusement. Pour continuer à t’occuper en attendant le retour de la vraie vie, voici une nouvelle sélection de livres pour voyager sans sortir de chez toi : Après le Japon, nous partons cette fois-ci explorer l’Islande, vue par ses écrivains.
Pays froid plongé dans les ténèbres six mois par an, l’amour du récit islandais est né de la tradition orale, des contes que l’on se racontait au coin du feu pour passer le temps en attendant les beaux jours. Avec la progression de l’instruction, les Islandais ont naturellement commencé à se tourner vers l’écriture et la lecture, et ont transformé leur petite île en une vraie nation de bibliophiles. D’ailleurs, depuis 1944, la tradition du Jolabokaflod veut qu’on s’offre des livres à Noël, pour terminer douillettement les festivités, avec un bon livre et une boisson chaude.
Un proverbe islandais dit « La moitié de la population lit ce que l’autre moitié s’efforce d’écrire ». C’est dire si ce petit pays est prolixe en œuvres littéraires, depuis les sagas des Vikings jusqu’à la tradition des romans policiers propres aux pays nordiques d’aujourd’hui !
Voici une petite liste variée pour découvrir en douceur la littérature islandaise contemporaine. Ces cinq romans sont classés par ordre de facilité de lecture : Les 2 premiers se lisent facilement et rapidement, les deux derniers sont plus sombres, mais plus marquants – Ils resteront à mon sens plus longtemps dans ton esprit. Le troisième est à mi-chemin de ces deux extrêmes.
Et si tu as des recommandations à rajouter à cette liste, n’hésite pas à les poster en commentaires pour m’aider à découvrir de nouveaux auteurs !
Miss Islande – Auður Ava Ólafsdóttir
Hekla, qui porte un nom de volcan, rêve de devenir écrivain : Une tâche difficile dans l’Islande des années 60, qui est encore loin du pays progressiste et paritaire que l’on connait aujourd’hui. Avec 4 manuscrits sous la main, elle quitte tout de même la ferme de ses parents pour tenter sa chance à Reykjavík et tenter d’intégrer la bande élitiste des poètes de la ville, en arrondissant les fins de mois comme serveuse en attendant de percer.
Elle peut compter sur le soutien de ses amis Jón, fils illégitime d’un soldat américain qui souffre de sa différence en tant qu’homosexuel dans un pays où une telle orientation est encore loin d’être acceptée ; et Ísey, sa meilleure amie d’enfance convertie en mère de foyer par un amour de jeunesse, qui frise la crise de nerfs. Entre le sexisme, la misogynie et l’homophobie du quotidien, tous les trois essayent de trouver leur place et du sens à leur vie dans une société qui rejette la différence et essaye de les faire rentrer dans de petites cases étroites dans lesquelles ils ne se retrouvent pas.
Un joli petit livre lumineux qui fait réfléchir sur la condition de la femme dans les années 60 (et sur le chemin qu’il nous reste encore à parcourir pour y arriver !), sur le pouvoir des rêves et les concessions qu’il faut parfois faire pour les réaliser. L’Islande est un des pays les plus progressistes au monde de nos jours, et pourtant, comme tous les autres pays, les Islandais sont partis de loin…
La cité des jarres – Arnaldur Indriðason
Entre sa fille toxicomane recherchée par des types louches, son fils qui ne lui adresse plus la parole, et son appartement glauque de Reykjavík, ce n’est pas la joie pour l’inspecteur Erlendur. Autant te dire que quand une nouvelle enquête se profile sur la mort d’un vieil homme, assassiné dans son appartement avec un mot énigmatique sur la poitrine, le policier n’est pas à la fête. Et d’autant moins quand le vieil homme en question se révèle un adepte de porno immonde, puis un violeur.
Mais la loi, c’est la loi, et Erlendur va se lancer à corps perdu dans une enquête qui va réveiller des secrets vieux de 40 ans sur le vieil homme, pour tenter de comprendre le fin mot de l’histoire et faire justice à ses victimes, passées et présentes.
Un bon roman policier dans une atmosphère de film noir, qui se lit très bien. Dans la tradition des polars nordiques, ce livre nous donne un aperçu de la face sombre d’un pays que l’on connait d’habitude par ses images plus touristiques et lumineuses. J’ai aimé cette enquête qui mêle crime, histoire et génétique, tout comme la relation cassée entre Erlendur et sa fille, qu’ils tentent de raviver à coups de concessions et de communication hésitante entrecoupées de coups de gueule.
Le livre est par ailleurs en théorie le troisième dans la série de l’inspecteur Erlendur, mais pour une raison étrange vendu comme le premier dans sa traduction française. Dans tous les cas, si tu aimes ce roman, tu en auras 10 autres pour prolonger le plaisir !
La dame de Reykjavík – Ragnar Jónasson
Hulda Hermannsdóttir est une des meilleures enquêtrices du poste de police de Reykjavík. À 64 ans et à quinze jours d’une retraite dont la perspective la terrifie, elle entame une dernière enquête, en rouvrant le cas non élucidé d’une jeune demandeuse d’asile russe retrouvée morte sur la plage d’une crique isolée. Si l’affaire avait été à l’époque classée en suicide, Hulda soupçonne en effet que l’enquête a été bâclée par ses collègues masculins, les mêmes collègues qui se moquent depuis des années de ses méthodes de louve solitaire. Pour Hulda, découvrir la vérité est donc à la fois un chant du cygne, une revanche et une manière de mettre à distance ses démons personnels.
Je n’en dirai pas plus sur l’intrigue pour ne pas te gâcher le plaisir avec des spoilers !
Autre roman noir dans la tradition des polars nordique, la Dame de Reykjavík est un thriller psychologique dont le twist final ne te laissera pas indemne. Sombre, surprenant et tragique, ce roman où les apparences sont parfois trompeuses se dévore en quelques heures avec grand plaisir.
La femme à 1000° – Hallgrímur Helgason
2008, Reykjavík : Herbjörg Maria Björnsson (Herra), 80 ans et en phase terminale d’un cancer, atteint que son heure sonne dans un garage. Son rendez-vous pris avec le crématorium (très surpris de la demande, car il est rare que les gens réservent eux même la date de leur incinération), elle attend avec impatience le moment où son cadavre sera incinéré à 1000 degrés.
Ce qui pourrait être un démarrage pathétique est en fait le début d’un roman féroce car, vois-tu, Herra est une mamie de l’enfer : une Tatie Danielle qui ne respecte rien ni personne, et surtout pas ses enfants dont elle pirate joyeusement les boîtes emails pour régenter leur vie à distance, tout en fumant comme un pompier une grenade à la main.
Irrévérencieuse et cynique, Herra nous dévoilera pourtant son histoire hors du commun : Petite fille du premier président d’Islande et fille d’une paysanne et du seul Nazi Islandais reconnu, elle a été plongée très jeune dans la grande Histoire de l’Europe avant, pendant et après la seconde guerre mondiale. De l’Islande à l’Allemagne Nazie en passant par le Danemark, la Pologne et l’Argentine, la vie d’Herra a donc été une succession de fuites en avant et de blessures personnelles.
Ce roman est plus long et moins facile à lire que les précédents de cette liste, mais quelles montagnes russes émotionnelles ! Malgré le fait que l’on adore la détester, Herra est une héroïne truculente et entière, pour laquelle on ne peut s’empêcher d’avoir de la tendresse. Intense, mais pas léger, puisqu’un de ses thèmes est la guerre et ses effets dévastateurs, ce livre est une merveille et son héroïne restera longtemps avec le lecteur.
À la grâce des hommes – Hannah Kent
Avec ce dernier roman, je triche un peu, car Hannah Kent n’est pas Islandaise mais Australienne. Cependant, après un échange universitaire à Reykjavík, l’auteur s’est prise d’intérêt pour la vie d’Agnès Magnúsdóttir, dernière condamnée à mort exécutée en Islande pour le meurtre de son amant en 1830. Fruit de 10 ans de recherches sur cette femme décrite par la presse de l’époque comme un monstre, A la grâce des hommes tente de rendre compte de la vie d’Agnès et des raisons qui l’ont poussée au meurtre.
L’action du livre commence donc à l’été 1829 : En attendant son exécution, Agnès est placée en résidence surveillée dans la ferme de Jon Jonsson à Kornsá, où ce dernier vit avec sa femme et leurs deux filles. Tout d’abord horrifiée de partager leur demeure avec une meurtrière, la famille tente en premier lieu de minimiser tout contact inutile avec la condamnée, qui trouve son seul réconfort auprès du révérend Totti, qu’elle a choisi pour l’aider à préparer sa fin prochaine. Petit à petit cependant, au fil de la vie quotidienne, les habitants de la ferme vont peu à peu s’habituer à la présence d’Agnès…
Malgré son sujet, ce livre n’est ni une biographie, ni roman un policier : Le lecteur connait dès le début le destin Agnès et ne se fait donc pas d’illusions sur la fin du livre. Et pourtant, la prose d’Hannah Kent donne au roman une atmosphère sombre et mélancolique, parfois magique. La vie était froide et dure pour les fermiers du 19ᵉ siècle, mais n’empêchait pas l’humanité… Une merveille !
Hello, jolie sélection 🙂 Ils me tentent tous^^.
Sinon, niveau voyage, je te conseil ce roman auto-édité: “Et si on partait vivre au Brésil, ma chérie ? ” De Lili Plume. J’ai personnellement vraiment apprécié ce livre 🙂
Merci pour l’info, je vais y jeter un œil 🙂